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Une vie de Paysan
15 mars 2015

YVES LE FAUCHEUR UNE VIE A BUHULIEN transcription partielle des interviews (sans correction)

J’ai connu mon grand père mais pas mon arrière grand père, mais enfin je sais que j’en ai eu un.

 

Et donc j’ai connu mon grand père, c’est à dire qu il tenait la ferme de Kertanguy, là où j’habite, et ensuite c’est mon père qui a pris la relève. Et c’est moi même qui ai pris la succession de mon père. Et ensuite c’est la fille, ma fille, qui a pris la suite. Donc ça veut  dire que depuis peut-être pas un siècle et demi mais en tout cas plus d’un siècle que la famille est sous de Carcaradec, locataire de la famille de Carcaradec, donc c’est déjà pas mal.

 

Mon grand père ne s’appelait pas Faucheur, mon grand père s’appelait Falle’ch et donc c’était un nom breton jadis qui est devenu Faucheur bêtement, assez bêtement, à l’époque où mon grand père était jeune et au fur et à mesure qu’il avait des enfants il fallait comme maintenant aller les déclarer à la mairie bien sûr.

 

Mais à l’époque le père n’allait jamais seul à la mairie, il se faisait accompagner et c’était une tradition. C’était pour tout le monde fallait qu’ils soient à deux, et souventes fois, souventes fois , au lieu d’ aller à la mairie en premier ils passaient dans le café d’à coté à côté de la mairie, et s’ils s’attardaient un peu eh bien quand ils arrivaient à la mairie, eh bien ils étaient plus ou moins échauffés.

 

Alors mon grand père s’est donc présenté à la mairie, c’était je crois pour son deuxième enfant, il s’est présenté à la mairie avec un ami et il s’est trouvé que le secrétaire de mairie de l’époque était absent et qu’il était remplacé par quelqu’un qui comprenait, et à l’époque c’était rare, qui comprenait mal le breton. Alors, bien, ils sont venus déclarer cette naissance et puis le secrétaire de mairie leur pose la question, il demande le nom du père, alors il dit Yves Marie Le Falle’ch.

 

Le secrétaire de mairie demande « mais comment ça s’écrit Le Falle’ch ? »Mon grand père ne le savait même pas, il ne savait ni lire ni écrire, et puis : « mais, c’est un nom quoi, c’est un nom breton ? » « Oui c’est breton, Falle’ch c’est breton. »  « Mais comment ça s’appelle en français ? » Alors il lui explique :  « Falle’ch pour moi c’est faucheur », que le grand père ou son ami je ne sais pas, lui explique ça. Et puis le pauvre secrétaire de mairie au lieu d’écrire Falle’ch écrit Faucheur, et c’est comme ça que c’est parti.

 

Et quand ils ont su par la suite qu’il y avait donc une erreur dans la déclaration de naissance, ils ont voulu rectifier ça. Et il n’y a jamais eu moyen sauf il fallait passer par le tribunal administratif et il fallait payer et comme il n’avait pas les moyens, il n’était pas riche il a préféré laisser ça comme ça et donc c’est devenu Faucheur à la place de Falle’ch et mon grand père du coup a changé de nom et là ya pas eu de problème pour que tout le monde s’appelle Faucheur, Le Faucheur c’est comme ça que c’est parti , mon père était né et il était le plus jeune il était né en 1885 il était le plus jeune et il y avait sept enfant donc c’était dans les années 75 je suppose, c’est à peu près ça, et depuis c’est Le Faucheur.

 

A cette époque là les gens parlaient uniquement breton, uniquement breton, moi même je ne savais pas un mot de français quand je suis allé à l’école à six ans. Pas un seul mot, et j’étais pas le seul on était tous pareils à la campagne, il n’y avait que les gens du bourg et il y en avait très peu, qui connaissaient, qui parlaient quelques mots de français mais nous, c’était le breton, alors c’était un problème pour démarrer, surtout pour l’institutrice. Elle parlait breton et Français, mais surtout on nous tapait sur les doigts si on nous entendait parler breton dans la cour de récréation. En classe on ne parlait que français, elle expliquait en breton ce que ça voulait dire, et puis petit à petit on a appris ça très très vite, le français. Mais à la récréation il fallait parler français entre nous, c’était pas évident, mais c’était comme ça à l’époque.si on parlait breton on allait au piquet, face au mur, pendant dix minutes un quart d’heure selon le comportement de l’intéressé, c’est à dire que s’il était récidiviste trop souvent bien on allongeait la punition

 

 

Il paraît que ma famille habitait ploube’ch avant mon grand père, mon grand père est venu à Buhulien dés qu’il s’est marié dans les années 70. J’ai de la famille, sur Rospez et Kermaria-Sullard, surtout Rospez, même Lanmérin y en a un, des cousins, et qui sont tous Le Faucheur, Il n’y avait qu’un des enfants qui était resté Fallech, c’était la fille ainée.

 

 

Mon grand père est venu s’installer d’abord à kerangof ici sur la route de Rospez. Il est venu s’installer là et puis il est venu à Kertanguy en 1897, quelque chose comme ça. Je ne parlais pas français quand je suis allé à l’école pour la première fois, mais à l’époque il n’y avait pas d’école maternelle, on allait jamais à l’école avant l’age de six ans et donc j’ai démarré à six ans à l’école publique de Buhulien pendant deux ans. Et par la suite, au bout de deux ans mon frère, mon jeune frère qui avait deux ans de moins que moi avait donc six ans deux ans après, c’est évident et c’est là que mes parents ont décidé de nous amener à Lannion, et lui, mon jeune frère, n’a jamais fréquenté l’école publique de Buhulien, il est allé directement à Lannion, à Saint Joseph. Et on a fait nos petites études, parce que c’est vraiment des petites études qu’on faisait à l’époque à Saint Joseph. A trois kilomètres de Kertanguy alors que l’école de Buhulien était à un kilomètre. Tout d’abord parce que l’école de Buhulien n’allait pas au-delà du certificat d’études . Il y avait ça, et deuxièmement c’était une école publique et mes parents préféraient l’école privée. Saint Joseph, c’était une école privée, et donc, c’est la principale raison de nous amener tous jeunes à Saint Joseph.

 

Et là, bon, ça n’a pas duré long pour moi, parce que j’avais huit ans, et j’avais à peine, je venais d’avoir treize ans quand j’ai du quitter l’école au décès de mon père. Donc ça n’a pas duré long, cinq ans d’école.

 

J’ai très peu de souvenirs de ma petite enfance, très peu, j’ai des souvenirs des gens du quartier de l’époque, des personnes âgées du quartier de l’époque. Je sais qu’il y avait un charron juste en face de chez moi, juste de l’autre côté de la route là où il y a un sapin parapluie C’est un if qui a été taillé en forme de parapluie tout petit, et il continue de grandir, il a toujours la forme d’un parapluie, ah mais tout à fait.

 

Il y avait un charron et moi j’aimais bien aller voir ce charron de temps en temps parce que je ramassais des rubans pour amener à ma mère pour allumer le feu ça m’amusait, et en plus il y avait un grand prunier chez ce charron, mais on avait pas le droit d’y toucher, et s’il nous disait de prendre une prune c’était bien, mais s’il nous voyait en piquer une sans avoir demandé et sans qu’il nous ait demandé d’en prendre on était puni, c’était comme ça, c’était la fessée, neuf fois sur dix en arrivant à la maison. Le charron disait : « il a volé une prune ».

 

Il faisait des roues de charrettes, des roues en bois, et puis des charrettes en bois des tombereaux, il équipait les fermes en charrettes. Pour le bourrelier ou le maréchal ferrand il fallait aller à Lannion  il n’y en avait pas chez nous à Buhulien, c’était une petite commune, Il n’y en avait pas, mais comme on n’était qu’à trois kilomètres de Lannion, le maréchal Ferrand et le bourrelier se trouvaient à Lannion.

 

Sauf, on avait quand même un bourrelier de campagne qui allait à domicile aussi, mais pour faire des réparations, réparer des harnais. Je me rappelle très bien de tout ça, il y avait même un bourrelier qui venait chez nous en vélo, et à l’époque il fallait une plaque, une plaque de bicyclette, c’est à dire une taxe, et il fallait renouveler la plaque une fois par an comme on faisait pour les vignettes pour les voitures. C’était ça, et celui qui n’avait pas sa plaque se faisait arrêter avec les gens d’armes et il avait une petite amende, c’était pas cher mais il avait une petite amende. Et le bourrelier qui venait chez nous, tous les ans il agrafait sa plaque de vélo sur sa ceinture, autour de sa ceinture, la plaque de l’année, et puis il n’enlevait pas les autres pour autant il avait tout le tour de sa ceinture, il avait commencé à doubler, puis un jour il s’est fait arrêter avec les gens d’armes pour lui demander sa plaque, alors il lève son pull et puis « mais je ne vous ai pas dit d’enlever votre pantalon » qu’il dit le gendarme. «  non qu’il dit » il en lève sa ceinture « voilà mes plaques »les gendarmes se sont trouvés coincés quand même parce qu’il a fallu qu’ils cherchent la plaque il en avait tellement qu’il ont du chercher la plaque de l’année, bon ils l’ont trouvé, il était en règle.

 

En dehors de la maison du charron, qui se trouvait de l’autre côté de la route, dans mon quartier il y avait cinq fermes. c’était pas de grandes fermes, chez moi il y avait dix sept hectares, c’était la plus grande, ça allait de neuf à quinze hectares. La moyenne c’était ça, c’étaient des petites fermes divisées en petites parcelles, les plus grandes parcelles il n’y en avait pas beaucoup faisaient un hectare ah oui le paysage a beaucoup évolué. Je me souviens aussi d’un vieux cultivateur celui là il était déjà âgé c’était plus lui qui tenait la ferme mais il était resté avec ses enfants et celui là c’était vraiment un homme très…, il savait distraire les gens si on veut, très bavard, il racontait des histoires, presque n’importe quoi mais qui faisaient rire quand même et on aimait bien le voir celui là souvent, je me rappelle de ça aussi.

 

Et par contre je me rappelle d’un autre cultivateur qui lui alors faisait des bêtises, il cachait les outils le matériel de ses voisins, pour s’amuser, mais des fois, des fois ça posait problème. Je me rappelle une fois j’étais jeune, j’avais vu moi même i avait mis la herse, une herse c’est un outil qui sert à égaliser la terre après le labourage, et il avait réussi avec l’aide d’un copain à monter la herse dans un arbre, alors le cultivateur qui est venu pour travailler son champ ne trouvait pas sa herse, il n’a jamais eu l’idée de regarder en haut bien sur, et sa herse était en pendant dans l’arbre, il faisait des farces comme ça. Des fois il mettait les palonniers les chaînes qui servaient aux chevaux pour tirer la charrue dans les arbres aussi, il avait une manie comme ça celui là.

 

Les relations entre fermiers du voisinage étaient  bonnes ils se rencontraient au moins une fois par an c’est qu’à l’époque on semait tout le blé à la main bien sur, il fut un temps même ou on faisait ça avec de l’entraide, c’était semé, il n’y avait pas de semoir encore et donc on semait ça au fur et à mesure qu’on retournait la terre il y avait une équipe qui semait à la main et une autre avec des crocs qui ramenait la terre et donc ils étaient quatre ou cinq à semer du blé comme ça et on faisait la tournée dans toutes les fermes et à chaque fois qu’on avait fini de semer le blé, la totalité, on faisait une fête dans la ferme en question en général on tuait un cochon, une fois par an et c’était à l’occasion de la fin de la semaille de blé.

 

Ca durait deux mois , on commençait au mois d’octobre jusqu’à fin novembre et même jusqu’au quinze décembre souventes fois ça dépendait du temps Il y avait deux chevaux à tirer la charrue c’était une araire avec un soc fabriqué par le maréchal-ferrant ou achetée chez le marchand de machines agricoles. Une personne s’occupait de conduire les chevaux et la charrue, une autre semait et les autres couvraient la graine au fur et à mesure. On commençait dés qu’il faisait jour et on s’arrêtait à la tombée de la nuit.

 

Il y avait un casse croûte toujours, vers neuf heures neuf heures et demi, et un coup de cidre, on ne parlait que de cidre à l’époque, il n’y avait pas de vin Et puis a midi il y avait le casse croûte en général c’était du petit-salé ou du lard avec des pommes de terre bien sur. A midi c’était à la ferme, mais le matin c’était souventes fois aux champs s’il faisait beau. On leur amenait le casse croûte aux champs, et à quatre heures aussi.

 

Les gens s’arrangeaient bien, il y avait rarement des disputes ou en tout cas moi je n’en ai pas connu. C’était au moment des semailles qu’il y avait la fête plus qu’au moment des récoltes  parce qu’à cette époque là de l’année les jours étaient beaucoup plus courts et donc le soir on avait le temps de faire la fête tandis qu’au moment des récoltes souventes fois on travaillait jusqu’à dix heures du soir, souventes fois parce qu’il faisait encore jour et le lendemain matin à six heures on était encore debout.

 

La fête des semailles c’était à la fin de chaque ferme, s’il y avait quatre ou cinq et bien il y avait quatre ou cinq petites fêtes. C’était à chaque fois une régalade si on veut. Il y avait une soupe d’abord, un pot au feu bien sur, et puis la saucisse et du pâté, du pâté de porc et ensuite un rôti de porc, c’était vraiment la fête, et alors du cidre à gogo et le café et le calva pour les hommes. Ca durait jusqu’à minuit une heure du matin. Ah oui moi je me rappelle étant gosse je suivais les mes parents parce que les gosses étaient invités aussi. Il y avait quatre cinq familles, cinq six, ça dépend parce que s’il y avait beaucoup de petites fermes, tout le monde avait besoin de l’aide par contre les grandes fermes étaient moins nombreuses, il y avait plus à faire mais ils étaient un peu mieux équipés aussi ils arrivaient à se suffire à eux mêmes. A la ferme le soir tout le monde se retrouvait autour de la table. Le pot au feu avait cuit sur le feu de bois, sur trépied, ou sur une cuisinière en tôle qui marchait au feu de bois. Après le calva on jouait aux cartes, au trois sept.

 

Dans les années 30 ça avait évolué, on allait plus de ferme en ferme comme ça il y avait les semoirs pour semer le blé, donc chaque cultivateur se débrouillait. Ceux qui n’avaient pas les moyens de s’acheter un semoir demandaient l’aide du voisin quand même et c’était vite fait. C’était déjà un énorme progrès. Tiré par les chevaux aussi, il fallait passer un coup de herse pour égaliser la terre après le labour et ensuite on passait avec le semoir qui en général avait neuf dents qui semaient le blé en rangs, neuf dents et donc ça allait très très vite. J’avais cinq six ans quand on a acheté un semoir chez moi.

 

Il y avait aussi la fête patronale bien entendu au bourg, mais c’était plutôt l’occasion d’inviter la famille. C’était pas entre les gens du quartier ça. Autrement il y avait des réunions de famille quand même en dehors de ça. Et puis aussi il y avait le battage sur l’aire. Il fallait battre sur l’aire à l’époque, avec une batteuse à vapeur, je n’ai pas connu les fléaux mais j’ai connu la paille qui tombait en vrac, qu’il fallait amener à la fourche sur le tas, et au fur et à mesure que le tas de paille montait, il fallait qu’il y ait des gars à l’échelle pour monter la paille sur le tas. La paille il en faut tout le temps dans les fermes alors au fur et à mesure qu’on en avait besoin on tapait dedans on coupait ça par petites tranches quoi.

 

Il y avait peu d’animaux dans chaque ferme, c’était pas comme maintenant. Il y avait en moyenne, y compris les veaux, une vache par hectare, c’est à dire chez moi pour dix sept hectares, il y avait douze laitières et cinq jeunes pour assurer la relève. C’était ça la moyenne, une par hectare y compris les jeunes.

 

On avait quelques cochons, mais pas comme maintenant, quelques cochons, il y avait deux trois truies mères dans chaque ferme pour faire les petits et puis bon on gardait quatre ou cinq et puis le reste on allait les vendre au marché. C’était comme ça.

 

Les poulets aussi, il n’y avait pas de poulailler, les poules étaient toujours en liberté autour de la ferme et à chaque fois qu’on avait besoin si on avait envie d’avoir un poulet ben on l’attrapait on courrait après. Il y avait moins de renards que maintenant et dans chaque ferme il y avait des gros chiens. Les renards étaient chassés, presque tous les cultivateurs avaient leur permis de chasse aussi. Ils chassaient chacun sur sa ferme, c’était rare qu’ils aillent ailleurs. Chacun avait le droit de chasser sur sa ferme, avec un permis bien entendu, et l’autorisation du propriétaire. C’était comme ça.

 

Sur Buhulien il y avait une soixantaine de fermes et il y avait peut-être une dizaine de propriétaires autrement c’étaient des locataires. La location en ce qui concerne ma ferme je me rappelle très bien, je me rappellerai toujours de ça c’était cinquante et un quintaux de blé pour dix sept hectares. Cinquante et un quintaux. Et donc à la Saint Michel on savait qu’on devait le prix de cinquante et un quintaux de blé.

 

Et le prix du fermage paraissait toujours dans le journal qui est devenu « le paysan breton » maintenant, je ne me rappelle plus le nom du journal de l’époque, et le prix du blé, le prix du blé fermage, parce que c’était pas forcément le prix payé au magasin hein, c’était un prix fixé je suppose, fixé par l’état, même chose pour tout le monde parce que tous les blés n’étaient pas payés au même prix il y avait blé et blé alors on tenait compte de ça et il y avait un prix fixé pour tout le monde pareil alors comme ça on savait à l’avance le prix du loyer.

 

On ne faisait pas que du blé on faisait autre chose qui rapportait bien et souventes fois on payait même le fermage avec ça, du lin, on faisait du lin. Mais seulement c’était un métier très très dur. Le pire c’était l’arrachage, le pire.

 

Bon le lin était semé tout le temps au mois d’avril, entre le quinze avril et la première semaine de mai il était grand temps, c’était l’époque, et l’arrachage du lin se faisait avant la moisson c’est à dire entre fin juin et mi juillet l’arrachage du lin. Et là pour arracher un hectare de lin, je parle d’un hectare mais c’était rare ceux qui mettaient un hectare parce que c’était beaucoup ça, c’était plutôt un demi hectare, mais pour arracher un hectare il fallait dix-huit personnes dans la journée. Parce que c’était pas le tout d’arracher le lin on le changeait de place, on le changeait de champs, on le mettait sur une prairie à rouir.

 

Donc on le changeait de place puis il fallait l’étaler après, c’était spécial il fallait savoir le faire. Il fallait le noircir, si on le mettait sur une prairie après foin c’est à dire sur l’herbe, il fallait qu’il soit sur l’herbe, pour qu’il soit humide au maximum, l’herbe retient l’humidité surtout la nuit et tous les trois quatre jours avec, on avait des baguettes spéciales , on retournait le lin, donc c’était du travail, beaucoup de main d’œuvre.

 

En le travaillant avec les mains, quand il s’écrasait bien et que la filasse ne cassait pas une fois que vous l’aviez bien écrasé on tirait sur la filasse, si la croûte qui retenait la filasse était bien faite ça venait facilement et c’est à partir de là qu’on pouvait ramasser. Une fois qu’il était ramassé on le rentrait à la ferme bien sur on le mettait à l’abri et puis là il y avait les teilleurs de lin qui passaient pour l’acheter.

 

Ca se vendait au poids. Les teilleurs de lin prenaient toujours un échantillon pour voir la qualité du lin et c’était payé en fonction de la qualité aussi, mais si on avait du bon lin c’était bien payé, c’était ça qui rapportait le plus à la ferme, mais une fois de plus c’était très très dur.

 

Ca s’est arrêté après la guerre en cinquante deux cinquante trois, ca s’est arrêté, les teillages disparaissaient petit à petit il n’y avait plus d’acheteur et bon, ça se vendait moins bien et la main-d’œuvre diminuait aussi, et puis les gens en avaient marre parce que je le répète c’était surtout l’arrachage.

 

Moi je me rappelle je n’avais que quinze ans quand j’ai commencé à aller arracher du lin chez les voisins et à la maison à la ferme, et on était aux champs à sept heures du matin et souventes fois à dix heures du soir, et il fallait y aller hein parce que c’est un métier qui est dur, l’arrachage du lin c’est un coup à prendre aussi, on tirait.

 

Il y avait des teilleurs de lin un peu partout à la campagne, sauf les deux mois d’été, ils travaillaient à peu près dix mois sur douze hein. Ils savaient combien il fallait à peu près pour fournir du travail toute l’année à leur personnel, et leur personnel demandait pas mieux que d’avoir un mois ou deux, c’étaient pas des congés payés hein, pour aller à la campagne.

 

Parce qu’il y avait toujours de la demande aider à faire la moisson aider à arracher les pommes de terre, donner un coup de main à la campagne ça changeait un petit peu de l’ordinaire pour eux et ça arrangeait tout le monde ça arrangeait les fermiers aussi qui avaient besoin d’un coup de main pour la moisson et l’arrachage des pommes de terre donc ça rendait service.

 

Les teilleurs vendaient de la filasse aux filatures, on la mettait en ballots. Il n’y avait pas de filature dans la région, il y en a eu une à Buhulien que je n’ai pas connue elle a tourné très très peu d’années, ça s’appelait les moulins de Buhulien et il paraît que c’était une usine qui n’était pas bien équipée et donc ça ne réussissait pas bien.

 

Nous on vendait notre lin aux teilleurs de lin et puis après on ne s’en occupait plus. En dehors des céréales et du lin il y avait les légumes pour les bêtes, les pommes de terre pour les bêtes pour les cochons, les betteraves, beaucoup de betteraves qu’on faisait aussi pour les bêtes à cornes et donc on ne vendait pas, sauf des navets des fois quand il y avait de la demande on vendait un peu de navets mais très peu, sauf pendant la guerre 39-45 la, là il y avait de la demande pour les navets la on mettait un peu plus et on en vendait ceux qui étaient là.

 

Entre 1920 date de ma naissance, et 1933 date du décès de mon père il y a eu très peu de changements c’est tout de suite après que ça a commencé à évoluer, là la seule chose que j’ai vu évoluer entre le temps où j’étais très jeune c’est à dire à partir de l’age où j’ai quelques souvenir et l’age où mon père est décédé le progrès a été surtout dans le matériel agricole les semoirs ; les faucheuses les lieuses n’existaient pas encore ; et puis les charrues étaient perfectionnées aussi, le changement qu’il y a eu c’était sur le matériel agricole.

 

A la ferme chez moi il y avait toujours un ouvrier agricole un journalier et une femme qui s’occupait des bêtes, une vachère. Elle trayait, elle soignait et elle gardait les vaches, il n’y avait pas de clôture électrique il fallait garder les vaches aux champs, c’étaient des petites parcelles qui étaient toutes mélangées, celle ci m’appartient, l’autre c’est au voisin, alors les vaches, il n’y avait pas beaucoup d’herbe, elles cherchaient à sauter de l’autre côté du talus pour aller chercher meilleur à côté.

 

L’ouvrier agricole était à la ferme en permanence, logé, le journalier se partageait entre deux fermes en général, trois jours par semaine chez l’un et trois jour chez l’autre, c’était comme ça, et lui n’était pas logé, il était nourri, mais pas logé, il habitait une petite maison à côté, c’était comme ça, moi j’ai connu ça chez moi tout le temps. Pour la moisson il y avait aussi des saisonniers, des teilleurs de lin. J’avais une sœur aînée, et un frère, plus jeune que moi de deux ans.

 

A partir de six, sept ans, on participait aux travaux de la ferme, garder les vaches bien sur, et une chose qu’on nous demandait de faire, mais ça c’était pas tous les jours, à certaines époque de l’année, c’était conduire le cheval pour passer la bineuse dans les rangs de betteraves de pommes de terre de navets parce que là il y en avait à faire, il y avait des tours à faire, et ça on faisait un petit peu le soir quand on était rentré de l’école. Ca servait à aérer la terre et empêcher les mauvaises herbes aussi. Il y avait ça à faire, et ça on devait le passer au moins trois fois par an, donc on faisait des kilomètres comme ça.

 

Le paysage a bien changé, les parcelles étaient toutes entourées de talus, et c’étaient de toutes petites parcelles, les plus grandes pouvaient faire un hectare mais cinquante ares c’était la moyenne, cinquante, soixante-quinze ares, mais autrement on a vu des vingt cinq des trente et des quarante, ça  on en avait des parcelles comme ça aussi. Sur les talus on ne plantait rien, sur certains talus il y avait des arbres mais on n’aimait pas trop il n’y avait plus rien en dessous.

 

Les chemins qui conduisaient à ces parcelles, les voies charretières devaient être empierrées de temps en temps, il fallait boucher les trous on ramassait des cailloux dans les champs pour boucher les trous. Les chemins appartenaient aux propriétaires des terrains mais ils étaient entretenus par les utilisateurs. Il y avait une bonne entente, s’il vous arrivait de passer souvent dans une voie charretière en hiver pour amener du fumier vous avez dégradé, eh bien bon, vous savez que vous l’avez dégradée vous ramassez des cailloux puis vous bouchez les plus gros trous et ainsi de suite, le voisin fait la même chose après, c’était la bonne entente. Les chemins creux ne servaient que pour le passage des bêtes, des vaches, il n’y avait pas de matériel à passer là dedans. Il y en avait très peu par ici.

 

A l’époque quand on faisait vingt cinq quintaux à l’hectare, à l’époque c’était la moyenne, donc pour payer le fermage qui représentait cinquante et un quintaux il fallait deux hectares. Il y avait aussi des jours à donner au propriétaire, huit jours ouvrables, soit de ramassage de feuilles ou autre chose, moi je venais ramasser des feuilles à kerivon pendant huit journées, ça me plaisait d’ailleurs.

 

Mon père n’a pas fait la guerre de 14-18 compte tenu de ce qu’il avait une infirmité, il n’avait que deux doigts à chaque main, les trois autres étaient collés il y avait un rond là, moi je me rappelle de lui il n’avait que quatre doigts entre les deux mains. De ce fait il n’a pas fait la guerre 14-18, alors il était à la ferme avec son père et puis les autres, il y a eu deux de tués à la guerre, et puis les autres c’étaient des filles quatre filles

 

J’étais un élève moyen, je n’avais pas de capacités extraordinaires mais enfin j’étais un élève moyen, j’étais toujours dans la bonne moyenne et donc par conséquent j’apprenais assez bien et ça été vraiment dommage pour moi d’avoir été obligé de quitter l’école à à peine treize ans.

 

Il n’y avait pas de certificat d’études à Saint Jo, c’était le brevet, mais je ne suis pas allé jusque là du fait que j’ai quitté l’école dés que mon père est décédé. Il est décédé en janvier 1934, il avait donc quarante neuf ans, d’une maladie grave hélas, la tuberculose des os, qui ne se soignait pas à l’époque.

 

Ca a commencé par le genou, il avait un bobo au genou, une bosse au genou, et bon il a traîné comme ça tant qu’il a pu. Il n’allait même pas voir le docteur. Et puis un beau jour quand il n’en pouvait plus il est allé voir le docteur qui l’a emmené voir le chirurgien, le chirurgien lui a dit tout de suite : « il n’y a pas trente six solutions si vous voulez guérir ya qu’a couper la jambe ».  Alors il n’a pas accepté bien sûr. Il a traîné comme ça pendant… avant d’aller au docteur il a traîné pendant un an et demi deux ans, et puis après il a été deux ans où il a souffert terriblement. Et puis entre la chaise longue et le lit pendant deux ans.

 

Quand il a commencé d’être malade j’avais dix ans en gros, neuf ans et demi dix ans. Lui donnait les ordres, et il avait un ouvrier agricole, un bon ouvrier heureusement, un ouvrier agricole qui avait pris en main, et un journalier. Et la ferme a tourné comme ça.

 

Mais ce qui a été le plus dur c’est que, quand mon père est décédé, c’est que ma mère était complètement ruinée. A l’époque il n’y avait pas d’assurance maladie ça n’existait pas. Donc elle avait tous les soins à sa charge. Les soins de médecin, d’infirmier, une infirmière qui venait, c’était une religieuse d’ailleurs qui venait lui faire les soins mais enfin il fallait la payer quand même.

Et puis bon elle s’est trouvée…, les médicaments, elle s’est trouvée complètement ruinée.

 

Et c’est la raison pour laquelle elle m’a demandé en pleurant :  « Est-ce que tu ne voudrais pas rester à la maison ? C’est dommage pour toi mais autrement je vais être obligée de lâcher ma ferme ».

 

Alors j’ai fait ni une ni deux, je suis resté à aider ma mère, et j’ai mis cinq ou six ans avant de sortir du pétrin dans lequel elle se trouvait. J’avais treize ans.

 

C’était surtout un des voisins qui donnait les conseils et puis l’ouvrier agricole qu’il y avait, on suivait les conseils et moi je suivais aussi, et je travaillais dur aux champs, tout de suite.

 

Et dès l’age de quatorze ans je connaissais tout. Un an après, j’étais au courrant de tout, et à quinze ans je menais la ferme. Je faisais même les mottes de blé les tas de foin sur l’aire, donc je dirigeais la ferme à partir de quinze seize ans.

 

La première rencontre avec le propriétaire que j’ai eu en tant que patron de la ferme ça été quand je suis venu payer le loyer à la place de ma mère. Ma mère n’aimait pas, elle était dure d’oreille, donc elle n’aimait pas tellement venir à Kérivon. Ce n’est pas qu’elle n’aimait pas monsieur le comte bien au contraire, mais enfin bon, ça ne lui plaisait pas, et elle m’a donc amené payer le loyer. Et c’était un des premiers contacts officiels que j’ai eu avec monsieur le comte.

 

Malheureusement j’avais pas assez de sous pour lui donner. J’ai demandé à monsieur le comte bien sûr combien je lui devais, et puis il ouvre son cahier. Il avait un grand cahier, il ouvre son cahier, et bon et il me dit bon, tu me dois tant.

 

Et moi je savais exactement combien j’avais dans la poche, je lui ai dit : « excusez moi monsieur le comte, je ne pensais pas que c’était tant que ça, j’ai pas assez sur moi »

 

« Comment tu croyais que c’était pas tant que ça ? »ben j’ai dit « parce que j’ai fait le compte avant de venir » « Ah bon, tu as fait le compte, c’est que t’as pas confiance si c’est toi qui fais le compte de…, t’as pas confiance »

 

Ca ne lui a pas plu. « Oh excusez moi monsieur le comte, c’est pas pour ça que j’ai fait ça c’est parce que ma mère m’a demandé avant que je ne parte, m’a demandé « est ce que je vais avoir assez de sous, est ce que tu peux pas me dire combien on doit ? Parce qu’il y a le prix sur le journal »

 

Ma mère était presque illettrée aussi, à l’époque c’était comme ça, et puis « est ce que tu peux pas essayer de savoir combien je dois ? » «  Si », je lui dis, « parce que je sais que c’est cinquante et un quintaux », ça je me rappelais de toujours, « et donc puisqu’il y a le prix du fermage sur le journal je vais faire le calcul ».

 

 J’ai fait le calcul, « bon voilà, j’ai dit à ma mère, tu dois tant » Alors elle compte ses sous « Ah, ça y est, j’ai assez » il lui restait plus grand chose, quelque petite monnaie mais il y avait assez bon et puis je viens donc à Kérivon. Mais j’avais pas assez quand je suis arrivé.

 

Et voilà que bon, monsieur le comte me fait une petite remarque, gentille quand même, mais il m’a fait une remarque, j’avais été un petit peu froissé.

 

En fait je suis rentré, j’ai dit à monsieur le comte « je ne sais pas si elle va pouvoir donner la différence tout de suite, je dis, parce qu’elle m’a dit que il ne lui restait plus d’argent ». «  Tu amèneras le reste quand elle en aura, dis lui de prendre son temps elle donnera le reste après ».

 

Bon ben, je suis parti, j’étais un peu soulagé puisque ça s’est finalement bien passé. Et une heure après monsieur le comte arrive chez moi. J’étais juste là, j’étais dans la cour. Il vient vers moi et puis il me tape sur l’épaule : « Mon petit garçon, tu avais raison, tu as bien fait de faire ton calcul avant, parce que c’est moi qui me suis trompé ».

 

Monsieur le comte était né en 85 aussi, donc il était de l’age de mon père, une cinquantaine d’année. Il était plus noble que monsieur Gérald hein, c’était pas tout à fait la même chose. Il fallait savoir le prendre, il fallait surtout enlever sa casquette d’abord, et puis ne jamais le contredire, ça il ne fallait pas et puis, bon, il fallait aussi qu’il soit rassuré qu’on soit de droite.

 

A l’époque on ne faisait pas beaucoup de politique mais il y tenait, il fallait que tous ses fermiers aillent à la messe et soient, surtout, surtout de droite. Ca il y tenait beaucoup. En dehors de ça il était gentil.

J’ai connu deux ou trois de ses fermiers qui n’étaient pas de droite mais qui ne sont pas restés longtemps. Il trouvait des prétextes. Il arrivait à trouver un défaut, et donc il ne renouvelait pas le bail. Et puis bon il a été quand même quarante huit ans maire de la commune, quarante huit ans maire de Buhulien. A partir de là il m’a toujours eu fait confiance, et il a cherché à m’aider à partir de là.

 

C’est l’inverse sur ce que je croyais qu’il s’est produit. Parce que je me suis dit : j’aurais du mal à me faire bien voir avec monsieur le comte maintenant vu que j’ai commis une petite erreur, qui n’était pas une erreur si on veut mais j’aurais pas du faire ça. Et j’avais un peu peur. Mais c’est juste l’inverse qui s’est produit.

 

Il cherchait à m’aider, me posait des questions quand il me voyait, il me donnait des bons conseils. Madame la comtesse aussi d’ailleurs. Ils venaient souvent voir ma mère et puis lui demandaient comment ça allait, et puis comment ça allait à la ferme, et puis ils nous souhaitaient bon courage, et puis on a entretenu de très bonnes relations à partir de là.

 

Monsieur le comte et madame la comtesse étaient à kérivon à demeure. Monsieur le comte allait à Paris de temps en temps quand même, mais juste passer deux ou trois jours. C’était pas comme maintenant au château. Il y avait cinq ou six ouvriers au château, il y avait une cuisinière il y avait un valet de chambre une chambrière, y avait une dame qui s’occupait des bêtes aussi , et puis une femme de ménage qui faisait le ménage dans tout le château. Il y avait beaucoup de monde. Il y avait des ouvriers et deux bûcherons en permanence, les deux bûcherons étaient en permanence là.

 

Et le plus gros était fait au mois de février quand il y avait le ramassage des feuilles. Ca c’était l’entretien, l’entretien des allées. Alors entre tous les fermiers, chacun ses huit journées, ben, on faisait du travail.

 

Il avait des fermes à Rospez, à Ploule’ch, il avait deux fermes à Ploule’ch, trois ou quatre à Rospez et puis une vingtaine à…, ou une trentaine même à Buhulien, donc ça lui faisait du monde, une quarantaine de fermes en tout.

 

La commune de Buhulien, le territoire, fait huit cent quarante hectares, il était propriétaire de plus de la moitié, seulement dans ces huit cent quarante hectares était quand même compris le parc de kérivon qui est très important. Et en dehors de ça les deux ou trois fermes de Rospez étaient assez importantes c’étaient des fermes entre quinze et vingt hectares. A Ploule’ch c’était une vingtaine d’hectares aussi.

 

 Les fermages étaient de trois quintaux de blés à l’hectare mais après monsieur le comte ce n’était plus comme ça il y avait du blé, de la viande, du beurre, il y avait un peu de tout, du mélange, on payait un petit peu plus cher quand on a changé.

 

Sur mes dix sept hectares il y avait quand même on peut dire un hectare et demi de terre inculte qui ne rapportait rien. On mettait les bêtes dedans en été parce que c’étaient des coins humides. Il y avait un hectare et demi qu’on ne pouvait pas cultiver, mais tout le reste était bon.

 

J’étais le plus jeune de tous les fermiers. J’ai eu la vie dure, j’ai eu une jeunesse un peu pénible. On me disait, tu ne tiendras pas le coup, tu ne résisteras pas. Parce que j’ai toujours…, j’ai toujours aimé bosser, et comme on faisait beaucoup d’entraide, quand je faisais de l’entraide j’allais pas regarder les autres travailler. Je voulais faire comme eux. Et très vite on s’est aperçu que je travaillais comme un adulte. Mais c’était dur.

 

Il est évident que les autres fermiers approuvaient ma façon de travailler. Ca c’est sûr je n’avais que des félicitations : « je ne comprends pas à ton age… », mais je m’y étais mis, j’étais assez costaud et puis j’ai tenu le coup.

 

Et ce qui s’est passé par la suite, ma mère venait à peine de reprendre le dessus, est venue la guerre de 39-45. Et donc là y a encore eu du changement. J’étais trop jeune pour partir à la guerre mais j’avais trois des voisins qui sont partis. Il restait personne à la ferme. Eh ben, j’ai aidé ces trois là en plus de ma ferme.

 

La guerre s’est déclaré en septembre, je suis de fin octobre donc je n’avais pas tout à fait dix neuf ans, mais à l’époque on ne partait au service militaire qu’à vingt et un ans. Donc j’étais trop jeune. Ca ne veut pas dire qu’avant la fin de la guerre j’aurais pas du partir, mais comme la guerre n’a duré qu’un an… et le premier contingent de ma classe - quarante puisque je suis né en vingt - les trois premiers mois ont été mobilisés. Et moi même je ne fus pas puisque je faisais parti du dernier contingent. Je n’ai pas été mobilisé, je n’ai fait mon service militaire qu’après la guerre.

 

Pendant ce temps là, pendant toute la guerre, j’ai aidé les voisins en plus que ma ferme . Alors, ça veut dire, et tout ça gratuitement hein bien sûr, oui, c’était bénévolement. C’était pas pour gagner de l’argent que je faisais ça.

 

Dans le voisinage j’avais deux oncles puis une tante, les autres n’étaient pas de la famille, mais on s’arrangeait tout-comme quoi. Il y en a deux qui ont été prisonniers. Et ceux qui sont revenus après aidaient aussi à tenir la ferme de ceux qui étaient restés prisonniers. Ca veut dire que j’avais pas tout à mon compte une fois que ceux la sont revenus.

 

Je suis toujours matinal parce que je me levais tout le temps à six heures, au plus tard, à six heures du matin. Et jusqu’à dix heures du soir je travaillais dur toute la journée. C’était pas le même travail que maintenant. Il n’y avait pas de tracteur, c’étaient les chevaux, fallait suivre d’un bout à l’autre. Et puis beaucoup de travail manuel. Maintenant dans les fermes il y a toujours - ça a toujours existé - et il en faut beaucoup du fumier. Mais à l’époque on chargeait le fumier dans le tombereau à la main. Et il fallait l’épandre dans le champ à la main. Tandis que maintenant c’est fait avec des machines.

 

C’était vraiment dur, il fallait aimer. Dans ma ferme il y avait trois chevaux de labour, à partir de quinze hectares il fallait trois chevaux. Un couple, et un devant. Il était dressé. Ils servaient aux labours et pour tracter les tombereaux, les charrettes pour rentrer le foin. Tout était fait avec des chevaux. Il y avait un cheval qui était dressé pour amener la voiture, pour amener ma mère en ville. C’est elle qui allait en ville, on lui attelait le cheval et puis elle se débrouillait après. Elle y allait tous les jeudis pour le marché vendre le beurre, les œufs, les poulets quand il y en avait, sur le marché y avait tout ça, les petits cochons.

 

Je me rappelle d’une petite anecdote en parlant de poulets. J’avais demandé à ma mère ; j’avais quinze seize ans ; de m’acheter un paire de gros souliers, des grosses chaussures, genre galoches. J’étais toujours avec des sabots de bois, des « botoù-koad », à marcher sur la terre. Pour le soir on commençait à avoir mal aux pieds avec ça. Et je lui avais demandé de m’acheter des galoches. Et puis elle me dit : « j’ai pas envie de t’acheter ça cette semaine parce que je suis un peu à court d’argent ». Elle n’avait pas encore repris le dessus. « Tu veux bien attendre la semaine prochaine, parce que je suis d’accord avec toi tu as besoin de ça » et puis « oh oui », je dis.

 

J’étais content qu’elle ait accepté déjà. Et puis arrive le jeudi d’après, et le mercredi soir elle me dit : « je ne sais pas si je vais pouvoir t’acheter des chaussures cette semaine, à moins que on emmène trois ou quatre poulets ». Les poulets étaient à l’air libre, étaient en liberté si on veut. « à moins qu’on emmène trois ou quatre poulets au marché. Mais seulement voilà le problème l’ouvrier agricole (et moi je le savais aussi), a besoin des trois chevaux demain. »

 

C’était l’époque des semailles et l’ouvrier agricole avait prévu de labourer un champ, de le préparer, c’était un champ qui était assez humide et on avait annoncé de la pluie. Et il voulait que, et j’étais d’accord aussi, qu’on le sème avant qu’il n’y ait eu de la pluie. Il avait prévu « demain je vais tacher de retourner celui là de le labourer puis on va semer le lendemain ». Alors ma mère me disait « on pourra pas… on ne pourra pas aller en voiture, donc moi je veux bien aller à pied ». Elle avait l’habitude d’aller à pied à  Lannion aussi, « aller à pied mais comment on fait pour mes poulets » mais elle dit « mais il faut que tu viennes avec moi pour essayer tes chaussures ». « Mais, je dis moi, je prendrai les poulets », on les attachait par…, « je mettrai deux de chaque côté du guidon ».

 

On en prend quatre et puis nous voilà partis. Alors elle m’explique : « on se retrouve sur la place du Maralla’ch » « bien » je dis.

 

Elle est parti bien avant moi puisqu’elle elle partait à pied. Et voilà que ma mère en arrivant sur la route rencontre un des voisins, en tout cas pas éloigné, quelqu’un qu’elle connaissait, en voiture, avec son cheval aussi. Et il lui propose de l’amener en ville. Mais alors bien évidemment elle a accepté. C’est à dire qu’elle est allé beaucoup plus vite que moi. Et quand je suis arrivé avec mes poulets sur la place du Maralla’ch , je ne trouvais pas ma mère, ma mère ne me trouvait pas on était entrain de se chercher.

 

Et puis je redescends vers la rue , vers la rue Roger Barbier que ça s’appelle. Et c’est au bas de cette rue qu’il y avait la forge où on avait l’habitude d’aller avec les chevaux. Je dis « est ce qu’elle ne serait pas parti voir à la forge, je dis, si je suis pas là et déposer mon vélo et puis voir si elle ne me trouve pas par là ». Et donc moi je descends la rue vers la forge.

 

Et voilà une dame qui me voit avec mes poulets et qui me demande : « ils sont à vendre vos poulets ? » « ben oui »je lui dit « oui bien sûr ». « Moi je veux bien vous les acheter ». C’était une petite charcuterie. « Je veux bien vous acheter vos poulets ». « Mais oui, ma mère je ne la trouve pas c’est elle… ». « Oh mais ne vous inquiétez pas, moi je vous paye le prix hein, le prix que ça vaut, je vais les peser vos poulets . Le prix des poulets ben ça vaut tant ». « Ben je dis ». Je ne trouve pas ma mère, ben j’ai vendu mes poulets.

 

J’ai trouvé ma mère dix minutes ou un quart d’heure après. « Où sont tes poulets ? » « Je les ai vendus ». « Quoi ? Tu as vendu tes poulets ? Combien ? » Je lui dis : « voilà les sous .» « C’est pas vrai, mais tu t’es fait avoir, mais où, à qui tu as vendu tes poulets ? » Je dis : « mais on peut aller voir, la charcuterie là ».

 

 Elle est venu avec moi à la charcuterie, et puis elle demande, elle dit : « vous lui avez volé, c’est pas acheté, vous lui avez volé les poulets, les poulets valaient beaucoup plus que ça, donc vous me les rendez, puis moi je vous rend… » « On peut pas vous les rendre, il y a déjà deux de tués et puis (c’était pas vrai je suppose) les deux autres sont en liberté ça va pas être facile de les prendre ». « Bon, ben vous me les payez alors le prix qu’ils valent .» Et puis la discussion a duré un bon quart d’heure. « Et si c’est pas comme ça » qu’elle dit ma mère, elle s’est fâchée, « je vais à la police, vous n’avez pas le droit de faire ça à un jeune », et c’est vrai elle n’avait peut-être pas le droit non plus. Bon et finalement elle a cédé la charcutière.

 

Elle a cédé puis on a réussi à aller acheter une paire de galoches. Mais après j’ai entendu mon sermon quand je suis rentré. Avant j’avais toujours porté des sabots de bois, j’étais pas le seul, on était tous pareils. Les bottes n’existaient pas. Les premières bottes sont arrivées pendant la guerre de 39-45, presque à la fin de la guerre, les premières bottes. Et encore on les avait au marché noir, c’est à dire il fallait avoir du beurre, ou une andouille, ou du petit salé, pour donner pour être privilégié si on veut.

 

Donc en attendant c’étaient des sabots, des sabots de bois et puis ceux qui arrivaient à avoir des galoches, des grosses chaussures comme ça, c’était quand même…, ils avaient de la chance quoi. Parce qu’on n’était pas nombreux à avoir ça. C’était plus pratique. Les sabots en marchant dans la terre de temps en temps il y avait de petites mottes de terre, il fallait  sortir le pied et on était pieds nus dans les sabots. Un peu de paille au fond, de la paille du blé au fond, qu’on taillait avec un couteau là, et puis on changeait de paille deux fois par jour. La paille fraîche deux fois par jour, et pieds nus.

 

 

Je pense que c’est ma mère qui tenait les comptes même avant que mon père tombe malade et qu’il ne s’occupe plus de rien. A l’époque c’était pas compliqué, parce que tout était vendu au marché, sauf les petits veaux et les bêtes de réforme. Il y avait un marchand qui passait et c’était acheté à la ferme et payé comme ça en liquide.

 

Une vache était bonne laitière pendant huit neuf ans à l’époque. Maintenant ils ne font pas ça, maintenant c’est cinq six ans. C’est fini elles donnent trop de lait maintenant. Elles s’épuisent beaucoup plus vite. Mais la nourriture n’était pas la même non plus. Nous c’était un peu bio si on veut. Maintenant on fait bio , mais à l’époque on faisait d’office puisque y avait pas de sous pour acheter beaucoup d’engrais. Puis bon, c’était pas la mode non plus. A l’époque c’était de l’engrais complet, azote, potasse et puis acide phosphorique, mais du mélange, de l’engrais complet, on appelait ça de l’engrais OBI, je me rappelle de la marque à l’époque. Et puis on répandait ça à la main, à la volée.

 

Autour du blé avant qu’il ne monte trop haut on allait détruire, c’était surtout du chanvre et du chardon qu’il y avait dans le blé. On arrachait le chanvre à la main, et les chardons on avait une petite machine, un bout de bois avec un bout de ferraille au bout qui faisait couteau, et on coupait ça comme ça. Notre désherbant c’était le PTB, prends ta binette, la binette existait mais le blé on ne pouvait pas le faire à la binette. Les premiers produits de désherbants sont venus à la fin de la guerre. Pendant la guerre il y avait un petit peu , mais c’était pas… C’était de l’acide, uniquement de l’acide, qui brûlait pas mal de mauvaises herbes, mais qui esquintait le blé en même temps. Ca n’a pas duré long, après il y a eu un autre produit puis tout ça, ça a évolué très vite après.

 

N’importe comment je ne pouvais pas demander à ma mère de moderniser, d’acheter du matériel supplémentaire, parce que je savais qu’elle n’avait pas les moyens. Donc il a fallu traîner comme ça jusqu’au jour où… Sauf en 1936 quand même, donc j’avais seize ans, là je lui ai dit - parce que je trouvais que c’était trop dur pour moi la moisson - c’était terrible - je lui avais demandé de faire le possible d’acheter une lieuse. Une lieuse qui remplace la faucheuse où il fallait du monde derrière pour lier les gerbes, pour les mettre en javelles après.

 

Tandis que la lieuse coupait, le blé montait sur un tapis, faisait le tour, et puis sortait lié avec une ficelle c’était la lieuse, ça s’appelait la lieuse, et ça liait. Donc en 1936 c’était le début des lieuses. Le début, la première que j’avais vu c’était en 1935, et c’était pas à Buhulien, j’avais eu l’occasion d’aller je sais pas… oh, pas loin de chez moi parce que je n’ai jamais été loin, mais en tout cas j’avais vu une lieuse. Et je l’ai observée, puis je me suis dit, ça au moins c’est pratique, et puis donc c’était le début. Et en 1936 il y avait déjà en vente à Lannion là, dans, chez le marchand de machines agricoles, il y avait deux ou trois lieuses exposées, comme ça, que j’avais vu en passant.

 

Et ça m’a donné envie d’avoir une lieuse. Et puis elle me dit : « on va faire un effort, on va voir, on va essayer, puis on verra bien, peut-être qu’il va nous donner le temps pour - parce que je ne pourrais pas tout payer en une seule fois - nous donner le temps pour la payer.

 

Et puis on est allé voir le marchand de machines agricoles et on lui a expliqué la situation. Je suis allé avec ma mère, moi même je lui ai expliqué la situation. Il connaissait la famille puisqu’on habitait à côté de Lannion. Alors il me dit « mon petit garçon, j’ai pitié de toi, on va faire un effort, et puis vous payerez quand vous pourrez, petit à petit » Alors il a demandé une petite somme au départ et puis on a payé petit à petit au fur et à mesure.

 

Et c’était la première lieuse qui est venue à Buhulien. Je n’ai pas tout à fait en tête le prix de la lieuse, mais ça devait représenter l’équivalent de trois années de fermage, à l’époque. Ca faisait gagner beaucoup de temps, et puis moins de mal.

 

On a donc acheté la lieuse, on s’entraidait avec un voisin mais ya pas eu qu’un. Tout de suite ya eu un autre qui s’est proposé à faire de l’entraide avec moi, et on était à trois. Ils donnaient surtout la main d’œuvre, ils payaient la ficelle bien sûr, mais autrement ils payaient en main d’œuvre. C’est à dire, ils faisaient des journées supplémentaires quand il y avait des coups durs. Ils étaient d’accord pour venir aider à faire le fumier, ou aider à faire les fagots, les fagots de bois, on faisait beaucoup de fagots aussi à la ferme. Donc ils payaient comme ça en journées. Et puis ça se passait bien, mais ça n’a pas duré long cette entraide avec la lieuse, parce que très vite chacun avait la sienne. Trois quatre ans après, tout le monde avait pas encore. Mais cinq six ans après, c’est à dire pour la fin de la guerre, tout le monde était équipé en lieuse.

 

C’étaient des machines qui résistaient bien si on veut, parce que on a jamais changé la lieuse, on a toujours fait avec la même. Ca veut dire qu’elle a duré une génération, jusqu’à ce que les moissonneuses batteuses sont arrivées. Les moissonneuses batteuses sont arrivées dans les années cinquante deux - cinquante trois. Et jusque là, la lieuse tournait toujours. Ca veut dire que c’étaient quand même des bonnes machines.

 

Les journées étaient toujours aussi longues , mais on avait moins de mal. Moins de mal au dos surtout, parce que être derrière la faucheuse pour faire les gerbes de blé c’était fatiguant, très fatiguant. Les journées étaient tout aussi longues. Il est évident que la moisson était faite un peu plus vite avec un peu moins de mal, mais à la fin il y avait toujours autre chose à faire.

 

On arrêtait jamais. On arrivait même pas à tout faire comme il fallait la plupart du temps. Il y avait tellement à faire tout à la main. Après la moisson, tout de suite après la moisson, c’était le ramassage du lin, ensuite c’était l’arrachage des pommes de terre on faisait beaucoup de pommes de terre aussi, ensuite c’était l’arrachage des betteraves et après l’arrachage des betteraves c’était la semaille, qui durait un mois et demi - deux mois, et ensuite, après les semailles, la période d’hiver ou il n’y avait pas grand chose à faire aux champs - on peut pas labourer les terres en plein hiver - c’étaient les fagots.

 

Les fagots, on élaguait les arbres les têtards et on faisait énormément de fagots. Chez moi on faisait de douze à quinze cent fagots par an. Ils servaient pour cuire aux bêtes, les betteraves et les navets aux bêtes. Il fallait les cuire dans une grosse chaudière, une grosse marmite, un gros chaudron qui contenait cinq cent litres. Et on remplissait ça, et ça c’était tous les jours hein, tous les jours, tous les jours, tous les jours. On remplissait ça le matin, et puis il y avait du feu de bois. C’était la femme, la vachère si on veut, qui avait ça en charge aussi. Elle devait passer une heure et demi à faire du feu. Parce que les fagots il faut les mettre dedans continuellement hein. Elle avait une petite hache avec elle pour les couper en petits bouts, et au fur et à mesure elle mettait ça au feu. Il fallait entre douze et quinze cent fagots par an.

 

Donc tout ça c’était du boulot entre les élaguer et les mettre en fagots, après les rentrer, ça c’était vraiment un travail pénible aussi.

 

Et après ça c’était le printemps. Il fallait commencer les semailles de printemps. On mettait de l’orge de printemps, avoine de printemps aussi, et le lin, et l’année recommençait comme ça, c’était un roulement.

 

Les cochons, on avait des petites crèches, maintenant on appelle ça des porcheries, nous on appelait ça aussi des porcheries mais c’étaient des crèches où on pouvait mettre au maximum une dizaine de cochons. Ils ne sortaient même pas, on faisait des petites cases, c’était souventes fois avec des poteaux en bois et puis des planches pour les séparer et ça il fallait les remplacer assez souvent parce que ça ne durait pas long dans le fumier. Il y avait toujours de l’occupation comme ça.

On ne sortait pas, de mon temps, je reviens à mes quatorze ans. Quand on avait le droit de sortir le dimanche, certains dimanches, ma sœur mon frère et moi on était de tour de garde. C’est à dire un dimanche sur trois ou on avait pas le droit de quitter la ferme. Et il fallait rester aider ma mère autour des bêtes, c’était normal. Ceux qui étaient libres, obligation d’aller à la messe et puis de sortir faire un petit tour après midi si on voulait. Mais on ne pouvait pas aller loin.

 

J’avais quatorze ans quand j’ai eu mon premier vélo. Donc avec ça on ne va jamais loin. Et j’avais des amis qui aimaient déjà jouer aux boules à l’époque, et moi ça ne me déplaisait pas non plus. Et comme il y avait un café - à côté là, où on a fait le grand rond-point là, à côté de chez moi, à Boutil - c’était un café ou il y avait trois allées de boules. Et on allait jouer aux boules là pratiquement tous les dimanches après midi pendant deux ou trois heures.

 

Et je me rappelle d’une chose là aussi. Un dimanche en arrivant à l’allée de boule y avait un de mes copains qui me dit : « écoute moi, j’ai envie d’acheter un paquet de cigarettes mais, qu’il dit, j’ai pas beaucoup de sous, et si je perds en jouant aux boules je pourrais pas payer trois ». Parce que c’était le perdant qui payait. « Tu voudrais pas acheter un paquet entre nous deux ? » «  Moi je veux bien,  je lui dis. » J’avais jamais fumé, j’avais jamais goûté. « Je veux bien, je lui dis, mais j’ai pas beaucoup de sous non plus. » Et puis je regarde, «  oh, et puis combien ça coûte ? Ben, je lui dis, il me restera un peu, si, si, bon, vas-y. »

 

Alors je lui donne le prix de la moitié du paquet de cigarette il va le chercher. Il sort mes dix cigarettes qu’il me donne en vrac comme ça, et puis lui garde les dix autres qu’il met dans sa poche, avec le paquet. Et moi je me suis dit, j’ai dix cigarettes qui vont m’embêter là, et avec ça si j’arrive à la maison et que ma mère trouve du tabac dans mes poches, ça n’ira pas. Alors qu’est-ce que je fais ? Je goûte une première cigarette. Je l’avais trouvé bonne. J’ai dit ben ça va, et puis bon on joue aux boules.

 

J’ai fumé une première cigarette. Dix minutes un quart d’heure après j’allume une autre. Et puis j’ai continué jusqu’au soir, jusqu’à ce qu’il n’y avait plus, j’ai fumé mes dix cigarettes. Et avec ça, quant on jouait aux boules il y avait toujours, à chaque partie il y avait toujours une bollée de cidre. Des fois la partie durait une heure. Des fois c’était une heure et demi. Ca dépend du nombre qu’on était à jouer aux boules. Et donc il y avait une bollée de cidre à chaque fois. Si vous avez perdu vous payez deux bollées. C’est à dire une pour vous et une pour l’adversaire. Donc j’ai fumé et bu du cidre. Et à la fin de la journée, dans la soirée, c’était en été je me rappelle de ça, tout à coup je voyais les boules tourner au bout de l’allée alors que personne ne les touchait.

 

J’ai dit mais qu’ est-ce qui se passe ? Les boules tournent. Alors je sors. J’ai dit, y a quelque chose qui va pas. Je n’ai rien dit aux autres hein. Je suis sorti de l’allée de boules. Dés que je suis sorti de l’allée de boules, je voyais tout tourner autour de moi , les gens, les arbres qui tournaient. Oh la la, j’ai dit, ça devient dangereux. Je me sauve avant que je tombe je dis.

 

Sans rien dire à personne je saute un premier talus qui était en face de moi pour aller vers la maison. J’avais que trois cent mètres à faire à travers champs à la maison. Arrivé à la maison, même avant d’arriver à la maison, j’étais en train de dégobiller tout ça. Malade, mais malade à crever. Et ça je me rappellerai toujours. Je suis allé directement au bout du tas de paille. La paille était en vrac à l’époque, et le matin j’avais déjà - c’était ma sœur qui était de garde ce jour là - et le matin j’avais descendu de la paille de la masse, pour qu’elle trouve de la paille pour soigner les bêtes le soir. Et je vais donc au bout du tas de paille. Je vais en dessous de la paille que j’avais descendu pour essayer de me reposer un petit peu. Et j’étais en train de dégobiller en dessous la paille. Et voilà que ma sœur arrive avec sa fourche et puis commence à piquer la paille.

 

J’ai poussé un cri. Je lui ai dit : « je suis là ». « Mon dieu », elle enlève la paille, « mais qu’est-ce que tu fais là » ? Et moi « je suis malade » je dis. Effectivement j’étais aussi blanc que ça. Elle m’amène à la maison. « Allez viens à la maison ». Bon, allez, il fallait rentrer. Je suis rentré. Puis ma mère quand elle me voit « mais d’où tu viens toi ? » « Ben, j’ai dit, j’ai été jouer aux boules ». « Et tu es malade ? mais qu’est ce que t’as fait hein ? » Bon, hein elle dit à ma sœur, « il faut que tu prennes ton vélo et que tu ailles appeler le docteur, chercher le docteur ». Et là je dis à ma mère « c’est pas la peine, je dis, je sais qu’est ce que c’est. » « Bon qu’est ce que c’est, dis moi ? » « Ben, je dis, j’ai fumé, et j’ai bu du cidre. J’ai fumé dix cigarettes et... » Je me suis confessé tout de suite. « Ah bien c’est ça ! ah ben si c’est ça, ça va, ça te passera ».

 

Elle me fait un grog, elle me fait un vrai grog. « Et avale ça. » J’ai avalé ça, mais aussitôt j’ai été obligé de sortir pour, pour heu, mais ça m’a fait du bien hein, ça m’a lavé l’estomac. Donc elle avait trouvé le remède qu’il fallait. Et puis elle me dit, « maintenant tu vas au lit, et puis demain on verra ça. » Le lendemain inutile de dire qu’on m’avait fait une bonne leçon. Mais on n’avait même pas besoin. Depuis j’ai jamais goûté le tabac, donc ça m’a fait du bien.

 

 

Celui qui était de garde allait à la messe de sept heures et demi le matin. Nous on allait à la grand messe de dix heures et demi. Il y avait deux messes au bourg tous les dimanches, et celui qui était de garde allait à la messe de sept heures et demi, la messe matinale qu’on appelait ça. Tant qu’on était jeune on allait aux vêpres aussi. Tant qu’on était jeunes, c’est à dire tant qu’on n’avait pas terminé nos communions. A l’époque on faisait quatre communions. La première à neuf ans, dix ans, onze ans, et douze ans. Donc jusqu’à douze ans il fallait aller aux vêpres. Ma mère allait souvent aux vêpres, il y avait très peu d’hommes à y aller. C’était la tradition, qui a disparu, hélas.

 

 

En été, c’été plutôt rare, mais en été on allait des fois jusqu’à Beg leguer, à la plage, en vélo, c’était une trotte hein. On est allé à Beg leguer, on était quatre ou cinq en vélo, à la plage. Bon on se baignait pas, on se lavait les pieds, on retroussait les pantalons jusqu’au dessus des genoux et on se lavait les pieds là. Et arrivés à Beg Leguer, je me rappellerai toujours de ça, on entendait la musique de l’autre côté. Il y avait la musique et puis ça criait, c’était la joie et on se demandait « mais qu’est ce qui se passe de l’autre côté là ? » Et puis quelqu’un nous dit « mais c’est la fête du au Yaudet ». Ah bien, mais on s’est dit c’est dommage qu’au lieu de venir à Beg Leguer on soit pas passé de l’autre côté de la rivière, et c’était un peu plus long mais on serait arrivé quand même au Yaudet. Et puis quelqu’un nous dit, « mais il y a des passeurs là », il y avait des vieux marins pêcheurs qui faisaient la navette avec une petite barque là pour traverser les gens qui voulaient aller de l’autre côté. Allez, on se pose la question et on y va, « combien ça coûte ? » Bon, c’était pas cher, « bon ben on y va. »

 

On payait l’aller et retour, mais quand on a regardé ce qu’on avait, bon, y avait moyen, on pouvait y aller. On est allé. Donc on a embarqué, on est allé au Yaudet. On avait pas fini la traversée que j’étais malade. Je n’avais plus rien dans le ventre dèjà. J’étais malade, mais j’étais malade, mais alors malade à crever. Et puis bon , mais il fallait traverser quand même. Et quand j’ai mis pied à terre au Yaudet, j’ai dit à mes copains, « allez à la fête si vous voulez, mais moi j’y vais pas. Je vais aller me reposer à la lande ici, dans la lande quelque part, parce que je suis vraiment malade ».

 

Et puis dix minutes après je me suis dit, « jamais je ne retournerai par là chercher mon vélo ». J’ai cherché mes copains que j’ai fini par trouver, pour leur dire que je partais « moi je m’en vais, je retourne pas par là. » Parce qu’ils m’auraient cherché eux pour le retour. « Ben comment tu vas faire alors ? » « Ben je rentre, j’ai dit, je rentre à la maison. » Personne n’avait pensé au vélo. Et je descends à Lannion à pied. Arrivé à Lannion, « oh mon vélo » je dis. De Lannion je suis remonté à Beg Leguer. Il faisait nuit quand je suis rentré à la maison. Je ne suis jamais remonté en bateau. J’ai été à la fête au Yaudet, mais pas en bateau directement au Yaudet, j’ai été au Yaudet plusieurs fois à la fête, même aux vêpres, même à la messe de dix heures le soir, la veille du pardon, de la fête paroissiale. Il y avait une fête la veille, une fête religieuse bien sûr, et puis y avait des petits manèges sur la place et puis il y avait une petite fête quoi. Moi j’ai jamais été partisan du bal, au bal j’allais rarement, très rarement. J’ai jamais appris à danser comme il faut. On dansait surtout la marche. La vie était tout à fait différente de ce qu’elle est maintenant.

 

Les vêtements c’était correct, on avait des vêtements corrects. C’était pas la première qualité si on veut, mais c’était propre. On était habillés correctement. Ma mère portait la coiffe mais c’était une des dernières génération pour ne pas dire la dernière. Ma sœur n’a jamais porté de coiffe ni sa génération non plus. C’était la génération de ma mère les dernières coiffes. C’était bien pourtant, c’était joli, mais c’était la fin. A Lannion elles étaient à peu près toutes pareilles. J’ai des photos de ma mère avec sa coiffe.

 

 

Mon frère s’est marié très tôt. Il avait deux ans de moins que moi. Il s’est marié très tôt. Il avait juste vingt et un ans. Il venait d’avoir ses vingt et un ans. Donc il était majeur. Et il est parti tenir un café sur la route de Trébeuden, en face du Champ blanc. Pas du champ blanc, du champ de course de…ah, il y avait un petit bois, une belle propriété là aussi, j’ai oublié le nom. Et il est allé tenir un café là-bas et il faisait un peu d’entreprise, des bricoles. Et sa femme tenait le café. Et le dimanche il y avait toujours plein de monde.

 

Il avait trois ou quatre allées de boules là-bas, toujours plein de monde aux boules. Ils étaient donc aux boules un dimanche, et puis tout à coup un des joueurs de boules aperçoit à travers une haie « tiens, y a des allemands qui arrivent à pied là, ils sont cinq ou six là, à pied avec un fusil sur l’épaule ».  Et puis bon ils se mettent à regarder, et la plupart d’entre eux ont pris la poudre d’escampette. Ils sont partis à travers champs de peur que…

 

Et mon frère est resté avec trois ou quatre copains qui sont restés « on a rien à se reprocher donc… » Mais manque de pot, ils les ont arrêtés. Ils sont venus vers l’allée de boules, ils les ont arrêtés puis ils les ont emmenés avec eux en face du café.

 

Ils ont demandé où était le propriétaire du…, ou le gérant du café. Alors mon frère a dit : «  ben c’est moi ». « Bien, et vous avez une épouse ? » « ben oui, qu’il dit, j’ai une épouse. » Ils vont chercher l’épouse à la maison pour lui demander de sortir. « Mais oui qu’elle dit mais j’ai mon bébé en haut .» « Ben allez prendre le bébé. » Puis elle est allé prendre son bébé, ils sont sortis.

 

Puis on a craqué une allumette et ils ont mis le feu dans la maison. Tout de suite comme ça, sans explication. L’épouse, on lui a dit de s’en aller, et puis mon frère et les trois ou quatre copains qui étaient restés avec lui ont été menottés tout de suite. Embarqués dans le camion. Ils sont restés regarder la maison brûler et puis ils ont été embarqués dans un camion, emmenés au camp de Servel. Et ils ont été fusillés là, le jour même, sans qu’on sache pourquoi.

 

 Il y avait eu ce jour là une attaque. Ils venaient d’être attaqués par la résistance. Ils ont eu quatre ou cinq morts il paraît les allemands. Ils ont été pris dans une embuscade. Ils ont été pris comme ça, ils ont été surpris, et ils étaient fous furieux de ce qui s’était passés. Parce qu’ils n’ont pas pu… Ils avaient peur que les autres soient trop nombreux.

 

Donc ils n’ont pas pu se défendre. Et les trois ou quatre qui ont été tués sont restés là, et les autres se sont enfuis. Et ceux ci paraît il faisaient partie de la bande. Donc ils étaient fous furieux, et c’était… Ils voulaient se venger. Ils se sont vengés sur ceux ci.

 

Et ensuite, bon, sa femme ne savait pas qu’ils étaient fusillés - nous non plus d’ailleurs - sa femme est venu chez moi avec son bébé. Et le lendemain matin elle m’a demandé d’aller voir s’il restait quelque chose de la maison. Parce que « tu vas peut-être trouver quelque chose, si ça se trouve tout n’est peut-être pas brûlé. Tu voudrais pas aller faire un tour là-bas ? »

« Moi je veux bien, je lui dis, mais comment ? » Parce que quand on allait en vélo les allemands nous piquaient les vélos. « Alors si je vais en vélo, je lui dis, je risque de retourner à pied, j’ose pas tellement .» Et puis tout à coup je dis : « Tiens, si j’avais pris un cheval, j’ai dit, je vais aller à cheval là bas. »

 

J’ai donc pris un cheval puis je suis allé à Trébeurden. Arrivé là-bas, en arrivant, j’ai vu tout de suite que la maison était brûlée, hein, il ne restait plus rien que les murs. J’ai attaché mon cheval. Dans les cafés il y avait des anneaux au mur. J’ai attaché mon cheval, puis j’allai faire un petit tour pour voir si je voyais quelque chose qu’on pouvait récupérer parmi les cendres. Mais non, il n’y avait rien à récupérer.

 

Et voilà que - parce que là c’était désert, y avait personne, il y avait pas une mouche qui volait - et tout à coup aussi j’entends des bruits de bottes au loin. Je dis : « c’ est pas possible, je dis, que les allemands sont encore dans ce coin là » . Je regarde, et je les aperçois à peut-être deux ou trois cent mètres. Mais sur le goudron comme ça, et comme il n’y avait pas de circulation, comme ça, y avait rien, j’ai entendu vaguement les bruits de bottes, comme ça, et je me suis dit « vaut peut être mieux, que j’ai dit, que je m’en aille parce que s’ils arrivaient à savoir que je suis le frère de celui qu’ils ont piqué hier soir », je ne savais pas qu’il était mort hein « peut-être je dis, qu’ils vont m’en vouloir aussi il vaut mieux que je parte. »

 

Je prends mon cheval, je saute dessus, et je m’en vais, oui. Ils étaient à cinquante mètres de moi quand j’arrivai sur la route avec mon cheval. Et ils m’ont sifflé pour que je m’arrête. Mais au lieu de m’arrêter j’ai donné un coup de talon à les côtes du cheval, et puis il s’est mis au galop. J’entendais les balles siffler au dessus de ma tête ils ont tiré : chiou, chiou, j’entendais les balles siffler au dessus de ma tête. J’ai eu chaud, c’est sûr et certain. Alors bon , le cheval, puisqu’ils étaient à pied, a galopé tant qu’il pouvait. Et au bout d’un kilomètre ou deux, puisqu’ils ne pouvaient pas me rattraper, j’ai pris des chemins de travers, je suis parti au fin fond de Servel dans une ferme bien éloignée de la route. Et je suis resté là jusqu’au soir.

 

J’ai appris que mon frère avait été fusillé le premier dimanche d’août qui a suivi. Ca s’est passé donc fin mai, et le premier dimanche d’août, ça devait être le 4 août 1944 que la ville de Lannion avait été libérée ce jour là par la résistance.

 

Et ils ont… Et comme ils savaient qu’il s’était passé quelque chose dans ce coin là, ils savaient pas qui ni quoi mais on a su que quelqu’un avait été enterré là dans un champ. Et donc ils ont pris trois ou quatre prisonniers allemands le jour de la libération de Lannion. Ils sont parti avec eux à l’endroit où ils savaient qu’on avait enterré quelqu’un. Et on a fouillé. Et on les a retrouvé là, les quatre cinq, je crois qu’ils étaient cinq, on les a retrouvé dans la fosse là, les mains liées avec du fil de fer.

 

Donc ça a été atroce. On est venu nous prévenir tout de suite. Le maire de Servel a envoyé quelqu’un tout de suite prévenir la famille. Et puis on a ramené les corps à la famille dans un cercueil tout de suite. Il y a eu des morts au camp de Servel mais de la résistance. Alors dans la résistance c’était évident, ils se trouvaient en contact avec les allemands, et donc il y avait des coups de feu des échanges de tirs, et il y avait toujours un ou deux morts.

 

Les gars qui étaient à la tête de la résistance n’étaient pas très honnêtes. Les gars, j’en connaissais deux ou trois qui étaient plutôt des voyous que des…Et puis ils ont profité de l’occasion. C’étaient eux les chefs. Mais il y avait de bons soldats avec eux hein. Il y avait des volontaires qui étaient vraiment de braves soldats, de braves gens. Les chefs passaient dans les fermes où ils se doutaient qu’on faisait un petit peu de commerce avec les allemands. Ils prenaient de la viande, ou même des cochons, et, ou bien alors, parce qu’à l’époque il y avait du lard en pendant dans les fermes, des saucissons, des andouilles, l’andouille de ferme qu’on appelait ça, ben ils piquaient tout ça, et ils demandaient même de l’argent là où ils étaient sûrs que le cultivateur faisait du commerce avec les allemands.

 

Chez nous c’était pas le cas. On n’a jamais fait de commerce. Ma mère ne faisait jamais de commerce avec eux. On ne cherchait pas à les voir, le moins possible en tous cas. Et puis voilà que ça s’est vraiment mal terminé pour la famille. Mon frère avait une petite fille de six semaines quand il a été fusillé.

 

Il n’aimait pas la ferme, il voulait à tout prix rentrer dans la marine. Il avait un copain qui, lui, est rentré d’ailleurs dans la marine, de son age. Ils étaient de très bons amis. Et puis celui ci est donc rentré à la marine, et mon frère voulait faire comme lui. Il voulait aller avec lui dans la marine. Mais ma mère n’a jamais voulu, d’autant plus que c’était la guerre. « Oui tu vas aller dans la marine, tu vas te faire tuer, ou ils vont couler les bateaux ». Et puis bon, il n’y avait rien à faire, elle voulait pas qu’il rentre dans la marine. Et donc il ne voulait pas rester à la ferme. La ferme ne lui plaisait pas. Et il était toujours à contre-cœur aux champs. Ca lui plaisait pas. Et donc il s’est marié très tôt. Et puis voilà le résultat. Il a pris le café en gérance. Et ça marchait bien, c’était un café qui tournait très très bien il paraît. Ce sont de tristes souvenirs.

 

 

Lannion était libéré mais la guerre ne s’est terminée qu’en 45. Donc il n’y avait pas de changement si on veut, sauf notre secteur, où y avait plus d’allemands, c’était libéré, c’était libre. Donc on a continué comme avant. Et je me rappelle très bien qu’en 1944, au mois de septembre, il y avait un grand repas ici à kérivon, pour le mariage de monsieur Hervé le père à monsieur Gérald. C’était au mois de septembre 1944. Et donc nous, tous les fermiers étaient invités bien sûr, et les enfants. Et j’étais aussi parmi les invités avec ma sœur, pas mon frère puisqu’il était mort. Et je me rappelle c’était la vraie fête ici à kérivon. Et aussitôt on est venu au repas, mais c’était pas gai pour nous. Et aussitôt après le repas on est rentré. On est pas resté faire la fête avec la jeunesse là pour cause, c’est bien évident.

 

Et ensuite, bon on a continué à la ferme comme d’habitude, jusqu’à la fin de la guerre 39-45, qui s’est terminée au mois d’avril je crois, oui au mois d’avril 45, ou le huit mai, non je sais pas, en tout cas avril ou mai 45.

 

A partir de là on a commencé à recruter les jeunes qui n’avaient pas fait leur service militaire en temps voulu. Je ne comprends même pas qu’ils aient commencé par les plus anciens nous la classe quarante. Parce que la classe quarante et un n’a pas fait de service. Après, la classe quarante deux non plus. Et ce n’est que… Ils ont repris ça à la classe quarante trois. La classe quarante trois a refait son service militaire. Quarante quatre n‘a pas fait. Et à partir de quarante cinq ils ont continué comme avant , comme avant la guerre.

 

 

…….à la ferme pour la moisson, pour faire les foins et la moisson, je vais partir au moment des semailles j’ai dit ça va être le même problème, j’y suis j’ai dit autant y rester Alors le capitaine il me dit si je vous disais que vous pouvez retourner chez vous et vous serez considéré comme étant permissionnaire, vous êtes recruté, vous serez considéré comme étant permissionnaire et donc, lorsqu’on va libérer ceux qui sont rentrés avec vous là, vous aussi vous partirez, vous partirez en même temps que les autres, donc il me faisait un cadeau de trois mois, sur sept mois à faire. Et il m’a dit, à une seule condition, à condition que vous alliez en rentrant chez vous, dire bonjour à monsieur de Carcaradec de ma part.

Je reste le regarder. Vous lui dites que c’est de la part du capitaine d’Oulsay.

Ah mon capitaine, ça je ne manquerai pas, vous pouvez compter sur moi.

 

 

J’ai pris le train, tout de suite, je suis arrivé à onze heures à la caserne et à midi et demi j’étais dans le train. Pour le retour j’arrive à la maison dans la soirée.

Bon à l’époque il y avait pas de taxi y avait peutêtre des taxis mais enfin j’ai fait Lannion Buhulien à pied. J’arrive à la maison dans la soirée, ma mère était en train de préparer le souper du soir, elle pleurait à côté de sa cuisinière là, et puis quand elle m’a entendu rentrer ah mon dieu qu’est ce que tu as fait les gendarmes vont venir te chercher. Elle avait pensé que j’avais refusé de rentrer à la caserne. Mais non, je dis, non, non, non, non. Ah mais si, toi tu n’as pas voulu rentrer à la caserne, tu voulais absolument revenir à la maison .

 

 

Mais je dis je reviens à la maison, mais j’ai un papier. Je dis, je suis là jusqu’au premier octobre et puis donc je dis, je fais les foins et la moisson. Elle était heureuse à partir de là. Mais je dis maintenant je vais tout de suite je dis voir monsieur le comte à Kérivon, parce que c’est un ami à monsieur le comte, je suis tombé sur un ami qui le connaissait. Alors j’arrive à Kérivon, et puis monsieur le compte qui savait que je devais partir «  t’es pas parti toi ? » « Mais si je dis, je suis revenu, on m’a dit, on m’a dit retourner vous dire un bonjour de la part du capitaine d’Oulsay » « Quoi ? Capitaine d’Oulsay ? Vous l’avez vu ? » « Oui, je dis c’est lui qui m’a libéré parce que vous aviez, vous m’aviez donné un petit mot. » « Ah je vais l’appeler, et si j’arrive pas à le joindre par téléphone, j’irai le voir. Il était tellement heureux aussi.

 

 

Et puis bon ça s’est passé comme ça. Je suis donc retourné à l’armée le premier octobre, et au bout de quatre mois, même pas puisque le onze janvier quarante cinq, quarante six, j’ai été libéré. Donc je n’ai fait que trois mois et demi à Vannes. De Saint Brieuc on m’a amené à Vannes. Tous les copains qui étaient rentrés à l’armée le dix-sept juin étaient partis en Allemagne. Alors moi je suis resté à Vannes et j’ai, j’avais une bonne planque puisque j’étais magasinier. J’avais à m’occuper de l’habillement alors que je connaissais rien là dedans mais peu importe, j’avais pas grand chose à faire. Et ravitailler surtout l’adjudant chef qui était mon chef aussi. Alors je devais aller lui chercher le café le matin, la soupe à midi, et surtout le pinard, et puis, et le soir pareil. J’ai fait huit jours de marche à pied un petit peu comme ça, mais huit jours seulement et puis on m’a appelé un matin pour me demander si j’acceptais de, il fallait un magasinier, et si j’acceptais le poste. Mais bien sûr que oui je dis moi je ferai ce qu’on me demandera de faire, et donc ça c’est très très bien passé. Et le onze janvier quarante six, j’étais de retour à la ferme.

 

Et quatre mois après je me suis marié, je me suis marié le vingt neuf avril 1946. Donc j’ai connu ma femme à dix huit ans je l’ai fréquentée pendant huit ans, et je n’ai eu qu’une seule, qu’une seule amie si on veut. A vol d’oiseau elle n’habitait pas loin de chez moi, par la route pas bien loin non plus, trois bons kilomètres, mais à vol d’oiseau c’était un kilomètre à peu près. De l’autre côté de la vallée, sur Ploube’ch, mais juste en face de la ferme. Je l’avais rencontrée dans une petite réunion de famille, chez une tante à l’occasion du pardon de Saint Marc là où on est en train de réparer, de refaire la chapelle. C’était la fête de Saint Marc, et puis j’avais une tante Manon, une tante qui tenait une ferme là et on était invités à la fête de Saint Marc tous les ans, parce qu’il y avait bal le soir. Et on était invités au dîner du soir.

 

 

C’était ma tante, mais c’était aussi sa tante à elle du côté de son père. Donc nous on n’était pas de la même famille mais ma tante, et son mari, ma tante c’était du côté de mon père, la sœur de mon père, et son mari c’était le frère de sa mère à elle. C’est là qu’on s’est rencontré. On se voyait une fois tous les quinze jours le dimanche, jamais tous les dimanches. On avait pas le droit. Une fois tous les quinze jours. Il fallait rentrer à la maison avant la nuit. C’était comme ça, c’était la discipline hein.

 

 

On se promenait, on allait faire une petite promenade au bord de la rivière puisque il y avait la rivière de Kerhuel que ça s’appelait qui nous séparait. On faisait une petite promenade au bord de la rivière, il y avait toujours du monde dans ce coin là et bon, c’était la ferme aussi comme chez nous donc je m’intéressais un petit peu à la ferme aussi, on prenait le café à quatre heure ou quatre heure et demi chez elle et donc c’était vite fait, la demi journée passait vite hein.

 

 

Mon frère s’est marié pendant la guerre, donc c’était possible de se marier pendant la guerre, mais elle, elle avait un frère qui était prisonnier et ce frère était le copain de ma sœur qui devait se marier à ma sœur aussi. Donc il fallait attendre qu’il soit de retour lui. C’était un mariage double on a fait le mariage le même jour frère et sœur des deux côtés à Buhulien. A Buhulien parce que chez nous il y avait suffisamment de place pour faire le repas sans être obligé de louer une tente. A l’époque il y avait des tentes en location comme ça et chez nous on arrivait à avoir assez de place sans être obligé de louer une tente et donc on a choisi chez nous à cause de ça pour éviter des frais supplémentaires et ça revenait au même.

D’autre part moi, j’avais envie de me marier à Buhulien aussi, j ‘avais envie que ce soit monsieur le comte qui me marie. Ca a été le cas et donc on a choisi Buhulien. Tout le monde était d’accord. Le mariage c’était le matin, le premier vers dix heures à la mairie et à l’église vers dix heures et demi ou onze heures. A la mairie c’est vite fait un quart d’heures vingt minutes. Moi j’ai eu fait beaucoup de mariages, les discours c’était un petit mot de bienvenue bien sûr, mais les discours étaient vraiment très brefs. On n’en fait plus, je sais qu’à Lannion aucun de mes collègues ne faisait de discours pour les mariages. Juste un petit mot de bienvenue aux invités, aux jeunes mariés puis à la famille et ça se passait comme ça.

 

 

A l’époque à Buhulien il y avait six cent ou six cent vingt habitants le recteur était tout seul il n’avait pas de vicaire. C’était pas trop grand pour un recteur. Non je crois qu’à l’époque il fallait avoir dépassé les mille habitants pour avoir un vicaire. Tout se passait en breton à l’époque. Le recteur faisait ses sermons en breton à l’époque. La messe en latin, c’était la tradition, et le sermon en breton. C’était une messe solennelle, et après la messe c’étaient les photos bien sûr, pendant une demi heure trois quart d’heure. Et puis après le repas de noce.

 

A partir de là j’ai pris la ferme à mon compte, mais en association si on veut avec mon beau frère, parce que lui n’avait pas encore de ferme. C’est à dire on s’est installé tous les deux à la ferme. Ma mère a pris sa retraite et on s’est installé tous les deux à la ferme. Mais la ferme était trop petite.

 

 

La ferme était importante puisqu’il y avait dix sept hectares, mais trop petite quand même pour deux couples. Et donc deux ans après mon beau-frère a trouvé une ferme à Brélevenez, et donc j’ai démarré en quarante neuf vraiment à mon compte.

 

 

Dans la ferme après l’achat de la lieuse on a continué comme ça y a pas eu beaucoup de changement jusqu’aux années cinquante deux cinquante trois je crois, je me rappelle pas exactement quand les moissonneuses sont arrivées. Mais jusque là y a pas eu beaucoup de changement. Et on ne battait que l’orge et l’avoine à la moissonneuse, jamais le blé. Il a fallu attendre, avant qu’on ait commencé à faire le blé on a attendu les années soixante. On y tenait trop au blé. Ceux qui avaient eu fait du blé à la moissonneuse batteuse, le blé ne se conservait pas. C’est parce qu’on ne savait pas le faire. C’est à dire qu’il fallait attendre beaucoup plus tard que si on coupe le blé à la lieuse. Au moins quinze jours trois semaines. Mais les gens n’avaient pas de patience. « On va tout perdre, le grain va tomber par terre et puis.. »

 

 

Alors on faisait  pas confiance, et en plus les premières années qui ont commencé que les moissonneuses sont venues ceux qui ont eu fait un peu de blé qu’ils faisaient aussi quand on faisait l’avoine c’est à dire quand les autres coupaient à la lieuse eux y coupaient aussi à la moissonneuse. Et c’est du grain qui n’était pas mûr parce que le blé qui est coupé à la lieuse et qu’on met en javelles dans le champ pendant huit jours qu’on met en tas sur l’aire de battage à la ferme après il finit de mûrir en javelle et dans le tas tandis que si c’était coupé à la moissonneuse au champ croyant qu’il était mûr alors que c’était pas le cas ben le grain ne se conservait pas. Et c’est la raison pour laquelle il a fallu attendre quelques années pour se rendre compte de tout ça. On mettait huit gerbes, en principe huit dix gerbes dans chaque javelle. Et puis après on chargeait ça à la fourche dans les charrettes, et sur le tas, et c’était du travail. Et on aimait faire ça.

 

Moi j’étais assez coulant toujours, ça se passait bien. Je laissais mon beau-frère il était prisonnier de guerre bon et il connaissait la ferme il connaissait bien la ferme d’autant plus que pendant la guerre du temps ou il était prisonnier il travaillait dans une ferme en Allemagne aussi alors bon il me racontait comment ça se passait là-bas c’était pas tout à fait la même chose comme ici et je le laissais, je le laissais faire tout en sachant que c’est moi et ça il le savait dés le départ que c’est moi qui restais à la ferme

 

 

Mais ça monsieur le comte lui avait dit d’ailleurs avant qu’on se marie « Il est pas question que vous restiez tout le temps ensemble ça dés que tu auras trouvé quelque chose » et c’est monsieur le comte qui l’a aidé d’ailleurs à trouver une ferme à Brélevenez. Bon on a pris le cheptel et puis tout ce qu’il y avait bon la récolte parce qu’il nous fallait de la paille il fallait tout les outils on a pris tout ça on a fait une petite estimation minime pour donner un petit peu à ma mère et puis ça c’est bien passé et puis quand il a trouvé sa ferme on a partagé tout ça et chacun a complété après à sa manière ce qui lui manquait. C’est comme ça que ça s’est passé. Ah y a pas eu de problème.

 

 

Je me suis marié en quarante six avril quarante six et au mois de février quarante sept j’ai pas perdu de temps y a eu le premier enfant. Ensuite bien sûr on a j’ai développé un petit peu la ferme ma femme a toujours eu une infirmité elle a une déformation de la hanche donc elle ne pouvait pas travailler aux champs et j’avais pas envie d’avoir des ouvriers non plus j’avais envie de faire le maximum seul et à l’époque justement c’était le début tout à fait le début des tracteurs, et j’ai acheté un tracteur. La première lieuse qui est venue à Buhulien c’était chez moi, mais le premier tracteur c’était aussi chez moi.

 

 

Et j’avais acheté un à essence y avait pas de diesel encore. J’avais acheté un petit tracteur qui tournait bien très bien d’ailleurs et donc je faisais, je faisais mon travail seul et j’avais même fait autre chose, avec des prêts bien sûr, mais remboursés et on arrivait à se débrouiller, j’avais installé l’eau, l’eau courante dans la ferme, une motopompe sur le puits.

 

 

Et j’avais installé l’eau, parce qu’à l’époque il fallait tirer l’eau du puits pour les bêtes et pour la maison et pour tout et il fallait en tirer pas mal ah moi je passais deux heures par jour rien que pour de l’eau, pour les vaches pour les chevaux parce qu’il y avait pas que sortir les seaux pour les chevaux il fallait les traîner j’avais au moins cent mètres à faire avec mes deux seaux d’eau j’avais trois chevaux et chacun buvait facile trois seaux d’eau par jour un facile et donc j’avais tout ça à traîner pour les chevaux et il fallait cuire à manger aux bêtes aux cochons et puis aux vaches aussi qui avaient du barbotage le matin donc il y avait cinq cent litres à tirer en plus.

 

Alors donc j’ai donc pris une installation qui m’a sauvée parce qu’à partir de là je gagnais beaucoup de temps énormément de temps entre mon tracteur et puis l’installation d’eau. J ‘avais installé un robinet dans, deux robinets dans la cour tout près des bâtiments et puis l’eau à la maison donc ça se passait très bien. Les premiers tracteurs qui sont venus dans le coin, y avait pas beaucoup de choix, c’étaient des Ferguson à essence, petits tracteurs gris là c’étaient les seuls qu’on a vu dans le coin et qui étaient de très bons tracteurs.

 

Seulement bien sûr l’essence revenait assez cher on avait quand même de l’essence détaxée, sinon c’était pas possible c’était, on payait à peu près le tiers du prix on avait les deux tiers en détaxe. A partir de là j’ai vendu mes chevaux, j’ai gardé un seul pour faire des petites bricoles. J’étais pas très très bien équipé au départ, c’est surtout la charrue qu’il fallait acheter et puis transformer les petites remorques à roues de caoutchouc là pour les chevaux, transformer ça en petites remorques pour mettre derrière un tracteur c’était pas très coûteux à faire ça.

 

J’allais couper du blé avec mon tracteur dans trois ou quatre ferme, c’était vite fait ça, pour couper un hectare de blé à la lieuse fallait une heure et demi à peu près, c’était vite fait hein. Pour rembourser les prêts du tracteur ça été vite fait, trois ou quatre ans parce que y avait la dévaluation, donc j’avais pas payé cher mon tracteur et avec la dévaluation tout de suite j’ai pu rembourser les prêts. On est tombé à une bonne période et puis ça marchait bien à la ferme.

 

Dés fois j’avais pendant les vacances quand même, et ça dès les premières années parce que moi je connaissais ou c’est elle qui me connaissait plutôt une assistante sociale à Lannion qui s’occupait qui étaient abandonnés avec les parents et qui se trouvaient à l’école à Bégard ou et elle cherchait, à Bégard ou ailleurs et elle cherchait des fermes pour les placer pendant les vacances scolaires et dés la première année que je me suis retrouvé seul à ma ferme elle est venu me voir pour me demander si je ne voulais pas en prendre un comme ça et tout de suite j’ai dit oui parce que c’était gratuit sauf on était libre de lui donner si on estimait qu’il gagnait quelque chose Et je suis bien tombé à chaque fois c’étaient des garçons vraiment bien et j’avais tout le temps pendant les vacances des jeunes qui venaient travailler à la ferme.

 

A peu près tous sont partis travailler à Paris après, à peu près tous sauf un qui a fait fausse route celui là était du côté de Lézardrieux il était ce jeune là et d’après ce que j’ai eu entendu par la suite il est devenu vagabond. Et maintenant pour les coups durs puisque la moisson les foins et les pommes de terre c’était l’entraide avec les voisins donc c’était comme ça.

 

A partir de là on a amélioré quand même l’outillage derrière le tracteur et puis augmenté le cheptel aussi. Ca on l’a fait petit à petit. Des gros investissements j’en ai pas eu fait sauf lorsque j’ai acheté mes bâtiments de ferme avec le peu qu’on mettait de côté un peu tous les ans quand même, en soixante six ou sept . Ca comprenait tous les bâtiments d’exploitation de la ferme, pas la ferme, la maison, l’étable les granges, tous les bâtiments mais pas les terres.

 

Monsieur Hervé, le père à monsieur Gérald était le propriétaire et il avait besoin de rentrées d’argent parce que ils avaient eu pas mal à payer comme droits de succession monsieur le comte est décédé en soixante et un oui et donc ils avaient eu beaucoup de frais il paraît pour les droits de succession il avait donc un besoin d’argent et puis il avait peut être envie d’investir dans autre chose aussi je ne sais pas. En tous cas il m’a proposé les bâtiments. Et tout de suite j’ai dit oui, j’ai pas regretté bien sûr. C’est l’investissement le plus important que j’ai eu fait après tout ça après avoir terminé de m’équiper pour la ferme.

 

Je suis rentré au conseil municipal pour la première fois en 1953. Monsieur le comte m’avait déjà demandé en 1947 c’est à dire un an après que je me suis marié. Il était venu me voir pour me demander d’aller sur sa liste. Et là j’avais répondu à monsieur le comte que pour l’instant il n’était pas question. J’ai dit là pour l’instant on est deux mon beau frère et moi mais bientôt quand je vais me retrouver tout seul, j’aurai de quoi m’occuper à ma ferme mais non j’y tiens pas on verra ça plus tard quand on sera bien démarré. Alors bon, il était un petit peu déçu.

 

Et en 1953 il est arrivé chez moi, je l’oublierai jamais, il m’a trouvé aux champs j’étai à cul de la charrue, j’étais en train de labourer un champ. Il est venu me voir et il me dit « Ah, je ne suis pas venu te demander de venir sur ma liste » puisque c’était un mois avant les élections. Je ne suis pas venu te demander d’être sur ma liste cette fois là qu’il me dit, parce que je sais que tu ne m’aurais pas dit oui alors je suis venu stout simplement pour te dire que les listes sont tapées, et que tu es dessus.

 

Voilà voilà le comte. Bon alors je dis monsieur le comte, si les listes sont tapées je ne vais pas vous demander de les retaper mais j’espère je dis qu’il y aura des gens assez intelligents pour me barrer puis je resterai tranquille à la maison. Ah on verra qu’il dit on verra ça plus tard Mais non, je suis passé au premier tour et puis ça a été le démarrage.

 

Cinquante trois, et en cinquante huit monsieur le comte a, cinq ans plus tard monsieur le comte a démissionné de maire et de conseiller municipal pour laisser la place à son fils, monsieur Yves le frère à monsieur Hervé qui était célibataire et donc c’était pour qu’il soit déjà en place pour les élections de cinquante neuf. En cinquante huit il a donc démissionné et il y a eu élection complémentaire bon puisqu’il y avait plus de maire et monsieur Yves a y avait un concurrent mais monsieur Yves a été élu dés le premier tour et il est donc devenu maire en cinquante huit et quelques mois après hélas il a fait un infractus et à l’époque ça ne se soignait pas comme maintenant le cœur c’était pas connu à l’époque je suppose hein. Et donc malheureusement en cinquante neuf quand il y a eu les élections il était quand même chef de file, et quand le conseil municipal a été réuni au complet il nous a réuni à kérivon pour nous annoncer qu’il ne prenait plus le poste de maire que son médecin lui avait conseillé de tout abandonner il ne se sentait pas bien de tout abandonner et qu’il n’était pas question pour lui de reprendre le poste de maire et qu’il fallait trouver un maire parmi nous avant,

 

on s’est retrouvé à kérivon vers huit heures huit heures et demi du soir, avant qu’on quitte, que vous quittiez kérivon il faut qu’il y ait un maire. On a passé trois ou quatre heures là pour essayer d’avoir un maire. Il n’y avait pas de candidat. Tout le conseil municipal était là sauf deux qui étaient dans l’opposition, alors y avait onze. En dehors de monsieur yves y avait moi puis y avait des collègues des anciens fermiers de kérivon aussi y avait Le Cam, Meudic Firon Audiou oh je les ai tous Le Gall, Job Legrand il y était aussi. Je ne sais pas si je les ai cités tous.

 

Bon en tous cas on s’est réunis là et impossible de dégager un maire. Personne ne voulait. Alors monsieur Yves a pris la décision de faire voter, voter au bulletin secret et chacun mettait le nom qu’il voulait et bon on a commencé à voter, et nom d’une pipe à chaque fois je sortais avec le plus grand nombre de voix. Moi j’avais voté pour un de mes amis, moi j’ai voté pour Le Cam à chaque fois monsieur Yves c’était pas la peine puisqu’il nous avait dit hein le but c’était ça Alors bon, mais moi je refusais à chaque fois, mais à chaque fois bon et puis finalement avant de partir monsieur Yves dit bon mais y a pas à dire c’est celui qui aura le plus de voix, on va faire un dernier tour qui sera le candidat, qu’il le veuille ou pas.

 

Bon j’ai encore eu, cette fois là j’ai eu plus. Et j’étais toujours pas candidat. Et puis voilà, le jour de l’élection du maire est arrivé on s’est rendu à la mairie, j’étais pas candidat toujours y avait pas de candidat, sauf un de l’opposition qui s’est déclaré candidat puisqu’il n’y en avait pas d’autres. Et puis quand on a vu ça tous les autres me faisaient signe « on va pas le laisser seul quand même » alors bon j’ai levé le doigt quand même, parce que je savais que pour le vote je passais c’était sûr. Et puis bon j’ai été élu maire. C’était pour moi une corvée. Parce que j’étais pas préparé à ça du tout hein.

 

 

 

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